Vie professionnelle

Fermes-auberges

Leurs portes resteront closes pour Pâques

Publié le 09/04/2020 | par Jean-Michel Hell

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Serge Sifferlen, sur son exploitation à Kruth.
Jean-Michel Hell

De nombreuses fermes-auberges débutent généralement leur saison à l’occasion des fêtes de Pâques. À cause de la crise sanitaire, ces établissements resteront portes closes. Les professionnels sont touchés et attendent des jours meilleurs. C’est le cas du président des fermiers-aubergistes du Haut-Rhin, Serge Sifferlen. Il s’est replié pour effectuer ses travaux agricoles au sein de son élevage à Kruth.

Le travail ne manque pas en ce début du mois d’avril. Le professionnel est bien occupé avec ses 70 bovins (dont une cinquantaine de vosgiennes) qui lui permettent de produire de la viande et du lait. « On a nettoyé les pâtures, sorti le lisier et le compost, fait le stockage des copeaux. Il y a également, comme partout, les vêlages, les entretiens des pâtures, la traite, ou encore les réparations des clôtures. Là, on est donc dans les temps pour cette sortie d’hiver. Ce qui me stresse actuellement, c’est déjà cette sécheresse et ce vent d’Est. Nous sommes inquiets pour la pousse de printemps. Il y a également une pression importante des cervidés sur les prés de fauche », explique Serge Sifferlen. Il profite du temps ensoleillé et doux en journée pour sortir une partie des laitières qui sont en stabulation entravée. Les génisses vont suivre dans quelques jours. L’ensemble du cheptel en fera de même dans les semaines à venir.

Une activité qui se répète d’année en année. Cette fois, il y a cependant une pression supplémentaire : la crise sanitaire. Comme tous les professionnels du monde agricole et viticole, Serge Sifferlen doit appliquer les directives. « Nous sommes comme tout le monde. Cette crise sanitaire est angoissante et stressante. Pour la traite, c’est désormais toujours moi qui m’en occupe. Cela permet d’éviter de multiplier les contacts. J’ai un salarié qui s’en charge généralement. Je n’ai pas envie de lui faire prendre le moindre risque. Pour l’auberge, il est d’ailleurs en chômage partiel. Nous avions prévu d’ouvrir, comme chaque année, pour le week-end de Pâques. Généralement, nous préparons les lieux quinze jours à trois semaines avant. Ce travail n’a pas été effectué. Nous avons également des saisonniers dont ma fille. Là aussi, je dois les faire patienter », précise Serge Sifferlen.

« Nous sommes dans l’expectative »

Située au-dessus du lac de Kruth-Wildenstein, près du Grand Ventron, la ferme-auberge du Schafert va donc attendre plusieurs semaines encore ses premiers visiteurs. « En temps normal, elle est ouverte tous les jours sauf le lundi, de Pâques jusqu’au 11 novembre. Nous accueillons quotidiennement une cinquantaine de clients. Là, nous sommes dans l’expectative. Si la saison démarre entre le 15 mai et le 1er juin, tout ne sera pas perdu. Il restera deux beaux mois d’été, plus septembre et octobre. On pourra s’en sortir. Ce sera absorbable. Mais, si cette crise sanitaire venait à se prolonger en dépassant juin, nous n’aurions plus aucune visibilité économique. Il faut savoir que tout ce que nous produisons sur la ferme va à l’auberge. Nous sommes structurés pour ne pas gagner d’argent en hiver. Et pour travailler ensuite. Pour la production de fromage, c’est la même chose. Si le confinement devait s’éterniser, on devrait modifier la production de fromage. On ferait des fromages de garde qu’on peut stocker, plutôt que des munsters qu’il faut écouler à maturité après les trois semaines d’affinage », ajoute Serge Sifferlen.

 

 

Sa situation ressemble à celle de l’ensemble des professionnels du massif. Certains peuvent compter sur les marchés locaux encore ouverts (huit dans le Haut-Rhin la semaine passée), les magasins de producteurs, les drives fermiers ou même de nouvelles activités comme des livraisons à domicile. Mais, ces activités, certes intéressantes, ne feront pas la saison d’une ferme-auberge. « Les professionnels les plus expérimentés qui ont remboursé leurs prêts vont sans doute s’en sortir s’ils ont de la trésorerie. Mais, pour les plus jeunes qui viennent d’investir, notamment pour les mises aux normes, on va au-devant de difficultés importantes. Si nous voulons être optimistes, on peut se dire que le confinement actuel va donner l’envie aux gens de consommer à nouveau des produits locaux et de se rabattre sur la montagne. Mais, quand pourront-ils à nouveau sortir ? », s’interroge Serge Sifferlen.

La transhumance à huis clos ?

Une autre inconnue : les transhumances. Les premières ont généralement lieu début mai. Elles se succèdent pendant un mois. Celle de Serge Sifferlen est programmée chaque année à la Saint Urbain, le 25 mai. « Là, nous n’allons rien y changer. S’il le faut, nous les ferons à huis clos. Ce serait triste. Mais, quoi qu’il arrive, les troupeaux doivent monter sur les hautes chaumes », précise Serge Sifferlen. Il sait de quoi il parle. Sa première transhumance date de mai 1967 avec ses parents. Il a repris l’exploitation familiale en 1999.

C’est, cette année, la 54saison de l’auberge. « Faire la transhumance dans les temps, c’est une nécessité. On ne peut pas garder les troupeaux en vallée l’été. Il faut libérer les prés pour faire du fourrage pour l’hiver. D’autant qu’après deux années de sécheresse et les dégâts du gibier, les stocks sont déjà bas. Nous sommes nombreux à avoir acheté du foin », conclut Serge Sifferlen. Il attend également de meilleurs horizons pour programmer l’assemblée générale des fermiers-aubergistes. Elle sera vraisemblablement décalée à l’automne prochain.

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