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Des asperges, avec le pain et les croissants

Publié le 02/06/2020 | par Florence Péry

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Préparées par les producteurs, les asperges étaient livrées devant la porte du client entre 8 h et 12 h.
Ilona Bonjean

La start-up Baguette Box a mis ses camionnettes et ses livreurs à disposition pour assurer la livraison d’asperges durant le confinement. Plus de trois tonnes de turions ont ainsi été livrées à domicile.

L’idée est partie de Théo et Camille, du club de basket de Furdenheim. Interpellés par la situation des producteurs d’asperges d’Alsace, privés d’une partie de leurs débouchés pendant la crise sanitaire, ils se sont rapprochés de Baguette Box, une start-up spécialisée dans la livraison de pain et viennoiseries à domicile. L’entreprise, qui compte 5 000 clients au bout de seulement un an d’existence, dispose d’une flotte d’une centaine de véhicules, de livreurs et de moyens de paiement en ligne. L’idée et les moyens étant réunis, il restait à assurer la mise en relation de Baguette Box et des producteurs d’asperges d’Alsace : c’est Groupama Alsace qui s’en est chargé, donnant naissance à l’opération « Asperges solidaires. »

 

 

En période habituelle, les clients commandent leurs baguettes et leurs viennoiseries sur le site de Baguette Box et se font livrer leur commande à domicile au petit matin, avant 6 h 30. Les produits leur sont déposés tout frais dans une boîte à pain en résine alimentaire, au prix du boulanger. Ils ont le choix de la boulangerie de leur secteur et peuvent bénéficier du service de livraison sans minimum de commande, moyennant un abonnement mensuel.

Le système étant rôdé, fallait-il encore l’adapter aux asperges. S’agissant d’une opération solidaire, Maurice Heitz, le créateur de Baguette Box, a choisi de l’ouvrir à tous, abonnés ou non de Baguette Box. Il suffisait alors de se rendre sur le site, de passer sa commande - de 1 kg à 5 kg d’asperges - et de payer en ligne, la livraison intervenant le lendemain entre 8 h et 12 h devant la porte du client. Cinq producteurs d’asperges ont participé à l’opération, les fermes Halter de Wasselonne, Nonnenmacher de Wœllenheim, Lux de Pfettisheim, Jost de Bilwisheim et les Asperges du Rhin de Sessenheim. Le principe de la vente au prix du producteur a été conservé, soit 10 € la botte, avec une participation aux frais de livraison de 1,50 €.

 

 

Un sacré coup de pouce

En 18 jours, plus de trois tonnes d’asperges d’Alsace ont été écoulées par Baguette Box. Avec la levée du confinement, les commandes se sont essoufflées d’elles-mêmes, les consommateurs retrouvant naturellement le chemin des fermes. L’opération aura en tout cas donné un sacré coup de pouce aux producteurs au moment où la saison s’annonçait catastrophique, souligne Jean-Charles Jost, président de l’association pour la promotion de l’asperge d’Alsace. En remerciement, les cinq producteurs concernés ont offert 300 kg d’asperges au service de réanimation du Nouvel hôpital civil de Strasbourg et 70 kg à un Ephad de la région strasbourgeoise.

 

 

Pour Maurice Heitz, qui ouvre chaque semaine de nouveaux secteurs de livraison dans le Bas-Rhin et depuis peu, dans le Haut-Rhin, cette action de solidarité constitue « une expérience » intéressante. Il a commencé à livrer, le troisième week-end de mai, des pots de pâte à tartiner Nut'Alsace à ses abonnés et songe à y ajouter des pots de miel et de confiture. Il a aussi été sollicité par des maraîchers, mais « on ne peut pas tout faire rentrer dans la boîte à pain », regrette-t-il, préférant se concentrer sur les produits autour du petit-déjeuner.

 

Objectif fête des mères

Bien que précoce, la saison a vraiment mal démarré pour les producteurs d’asperges, car elle a coïncidé avec le déclenchement du confinement. Les premiers kilos d’asperges n’ayant pas trouvé preneurs, ils redoutaient une saison particulièrement difficile. Avec deux mois de recul, le bilan est plus nuancé. « Au début, les consommateurs se sont rués vers les produits de première nécessité, l’asperge n’était vraiment pas leur priorité, retrace Jean-Charles Jost. Petit à petit, ils se sont mis à consommer à nouveau des produits frais. On a senti le déclic un peu avant Pâques : les gens ont compris qu’ils pouvaient venir à la ferme ou en grande surface en remplissant leur autorisation de sortie, il y avait de la production disponible, donc on a bien vendu et cela a continué ainsi jusqu’à maintenant. »

Dans les exploitations, la situation est plus contrastée : celles qui ne fonctionnaient qu’avec de la main-d’œuvre familiale s’en sont plutôt bien sorties. Celles qui faisaient appel à de la main-d’œuvre extérieure, en particulier à de la main-d’œuvre étrangère aguerrie à ces travaux, n’ont pas réussi à la remplacer de manière satisfaisante. La pénibilité du travail a découragé plus d’une bonne volonté et ceux qui se sont accrochés ont dû reprendre leur activité professionnelle bien avant la fin de la saison. « Il a fallu réembaucher, reformer des équipes, ça a été une saison très compliquée au niveau de la main-d’œuvre », souligne Jean-Charles Jost. D’une manière générale, les exploitations diversifiées, avec une petite surface d’asperges, ont mieux tiré leur épingle du jeu que les exploitations très spécialisées dans cette culture. Quelques exploitants, enfin, ont fait le choix de ne pas récolter du tout, par crainte d’être exposés ou d’exposer des salariés au virus.

Avant de tirer un bilan économique de cette saison vraiment pas comme les autres, les producteurs d’asperges vont tout doucement terminer la récolte. Les volumes ont commencé à faiblir, mais ils espèrent bien tenir jusqu’à la fête des mères (le 7 juin), voire jusqu’au week-end suivant.

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